Description
Les déjections au pâturage
Et si on regardait autrement les déjections au pâturage ? Non plus comme un mal nécessaire mais comme un bienfait utile. Non plus comme des pertes ou des zones à produire des refus mais plutôt comme le recyclage de nutriments et de matières organiques, comme
le garde-manger des insectes utiles à la vie de la prairie. Bref, les déjections au pâturage comme un juste retour des choses.
Une richesse mal répartie
- Les déjections déposées au pâturage, contrairement à celles épandues par l’éleveur sous forme de fumier ou lisier, présentent quelques spécificités : elles sont émises séparément entre urine et fèces, elles ne sont pas stockées et elles sont restituées directement sur un couvert végétal actif qui en profite.
- En conséquence, les pertes d’azote par volatilisation sont très inférieures à celles advenant en cours de stockage et d’épandage.
- Bien que mal répartis, avec parfois des concentrations fortes (point d’eau ou zones de couchage), il s’avère qu’après une ou plusieurs saisons de pâturage, une partie conséquente (plus de 50%) de la parcelle est concernée par ces apports de fertilisants.
Les fèces
- Bouses et crottes résultent des fractions indigestibles des aliments et des microbes. Riches en matière organique stable, plus ou moins riche en eau selon les espèces, ces déjections se composent de carbone, d’azote, de phosphore (voie d’élimination privilégiée avec 90 à 95% de l’excrétion totale) mais de peu de potasse.
- Ces rejets vont mettre du temps à être dégradés, puis absorbés par le sol et disparaître. Leur odeur assez répulsive serait à l’origine des refus de consommation observés autour des bouses.
L’urine
- L’urine est riche en azote (surtout sous forme d’urée rapidement minéralisée) et en potassium (voie d’excrétion majeure). Sa teneur en eau en facilite l’infiltration rapide dans le sol et l’absorption par les plantes.
- Néanmoins, l’épandage sur une petite surface induit localement des charges en minéraux conséquentes. Ceci se traduit souvent par une croissance de l’herbe importante et une couleur verte bien soutenue sous ces pissats.
Des conseils pour réussir
- Dans le cas des troupeaux allaitants, vaches comme brebis, qui valorisent de grandes parcelles hétérogènes, penser à positionner l’abreuvement et les pierres à sel dans des zones moins appréciées afin d’inciter les animaux à les fréquenter. Cela améliorera la répartition des déjections.
- Avec les vaches laitières, notamment le matin, laisser un peu de temps après le lever des animaux, pour que les déjections restent sur la parcelle et non sur les routes ou chemins.
- Pour limiter les refus autour des bouses, appliquer avec rigueur les recommandations en matière de gestion du pâturage. C’est l’éleveur qui donne le tempo aux animaux et non l’inverse.
- Finalement, à l’usage il s’avère pertinent de ne rien faire après le départ des animaux ou plutôt de laisser la nature s’occuper de l’intégration de ces déjections dans le cycle des éléments minéraux, bien utiles à la prairie.
« En fait, cela s’est passé un peu par hasard ! Faute de temps, pris par l’organisation du mariage de ma fille, j’ai omis d’ébouser deux parcelles. Bien m’en a pris. Car l’année suivante, plus rien. Tout avait disparu. Et aucune conséquence visible, notamment sur la valorisation de l’herbe par mes vaches, pourtant capricieuses. L’hiver, le froid, les oiseaux et toutes les petites bestioles qui s’affairent autour du garde-manger que représente une bouse ont fait le boulot. Depuis, je n’ai jamais repris cette pratique. A la réflexion, je gagne du temps et du fuel. En
plus, pour être honnête, c’était une activité, plutôt ennuyante, avec pourtant le sentiment de bien faire. »Robert Falbure, éleveur (63)
Impacts pour la durabilité
- Le recyclage des éléments, notamment N, P et K, associés aux bouses, crottes et pissats au pâturage : une sacrée économie sur le poste fertilisation des prairies !
- Les restitutions contribuent naturellement à l’entretien de la fertilité des sols de prairies.
- Nettement moins de travail !
Quelques références
- Déjections des herbivores domestiques au pâturage : caractéristiques et rôle dans le fonctionnement des prairies. – Bloor et al., Productions Animales n° 25, 2012
- Les flux d’azote au pâturage : études des flux et de leurs effets sur le lessivage – Vertés et al., Fourrages n°151, 1997.